jeudi 21 juin 2012

Sur Facebook, il y a des tas de groupes du style "tu sais que tu es ... quand...", évidemment il y a "tu sais que tu es infirmier, quand...". Un groupe pour recenser une tonne de choses que les infirmiers sont censés faire différemment du grand public. Je n'y ai jamais cru. J'ai passé 3 ans d'études à ne pas rentrer dans leur moule,  à m'entendre dire que je n'étais peut-être pas fait pour ce métier parce que je n'appliquais pas bêtement ce que j'avais appris, mais que je réfléchissais par moi même. Non, non et non, je ne suis pas infirmière, je suis moi, mon métier en plus.

QUE DALLE OUI!

Petite explication...

Ma voiture va mal, elle hoquete, tremble... bref ça sent la panne. J'appelle donc le garagiste pour prendre rendez-vous (ouai je me pointe pas aux urgences des voitures non plus). Et me voilà à lui raconter mes malheurs, genre histoire de la maladie:

"Une chevrolet, Aveo, 1,4L, 60 000 km, sans antécédent particulier jusque là. Il y a 5 jours, apparition de tremblements et à coups, puis 2 jours plus tard, d'un voyant de dysfonctionnement sur le tableau de bord. C'est grave, docteur?"

Forcément, y'a eu comme un blanc au bout du fil...

Promis, je ne prendrai pas vos artères pour un joint de culasse (aucune idée de ce que c'est en plus)

samedi 15 mai 2010

La première fois (fin)

Previously in...
Après avoir abandonné de parfaites crevettes grillées, me voilà lancée dans une réanimation alors que je suis infirmière de bloc.

Nous resterons encore une petite heure dans la chambre, mon collègue et moi aidant les infirmières du service, visiblement débordées ce jour là. Puis nous décidons de transporter la patiente en salle de réveil pour la surveiller correctement et tranquillement. En montant préparer, je croise l'anesthésiste de la maternité à qui j'explique le problème. Il me propose son aide dès que nous serons installés en salle de réveil.

En redescendant, j'aide une infirmière à dégager le couloir de tout ce qui traine habituellement et des regards indiscrets. Les autres patients n'étaient pas aveugles et savaient bien qu'il se passait quelque chose d'inhabituel. Nous prévenons la famille et en route.

Les déplacements de patient sont toujours des moments délicats puisque nous n'avons pas grand chose pour surveiller ce qui se passe ni même pour agir. En gros, ce n'est pas le moment pour que l'ascenseur nous lâche. Heureusement, tout se passe bien et nous arrivons en salle de réveil pour scoper la patiente et commencer à la transfuser. Le Dr A de la maternité viens nous aider et nous décidons de demander une échographie abdominale pour savoir ce qui a saigné au départ et une échographie cardiaque pour y voir plus clair. La patiente est stable mais inconsciente. Les échographies ne donneront rien de bien net, la patiente saigne et de plus en plus mais d'un peu partout.

Pour compliquer le tout, il nous faut reprendre au bloc un autre patient. Une intervention assez simple que le chirurgien peut faire sans aide opératoire, donc uniquement avec mon collègue en salle. Mais quand même sous anesthésie générale. Je me retrouve donc seule à surveiller la patiente en salle de réveil. Et évidement, l'ECG prend une tournure bizarre. Nous avions décidé avec la famille de ne pas la réanimer une 2ème fois, mais je ne me sens pas capable de la regarder mourir comme ça, moi! J'appelle donc à l'aide l'anesthésiste qui est en train d'endormir en salle d'opération et ne peut pas venir. Là j'avoue que j'ai senti l'angoisse monter. Heureusement, le Dr A de la maternité se montrera plus disponible. Il suffira qu'il entre dans la pièce pour que l'ECG se stabilise.

Le patient sorti de salle d'opération, nous nous recentrons sur la patiente "de réanimation". Elle commence à aller mieux et répond aux ordres simples. Nous décidons alors de faire venir la famille. La patiente est de plus en plus présente. Nous en profitons pour faire le point, et décider de la conduite à tenir. Visiblement, elle s'est mise à saigner sur le site opératoire et, devant la perte de sang, a fait un choc volémique. Le massage cardiaque, sur un coeur munis d'une valve mécanique, a déclenché une CIVD. Elle digère ses facteurs de coagulation et n'arrête plus de saigner, ni du premier site ni de tous les endroits où nous l'avons piqué pour la transfuser. Il faut traiter cette CIVD mais nous ne pouvons le faire dans nos locaux, nous devons la transférer en réanimation. Sauf que, après avoir appelé plusieurs services, personne ne veut la prendre tant que nous n'avons pas réglé le premier problème de saignement. En gros, il faut ouvrir une patiente qui saigne et qu'on ne peut pas coaguler.

En attendant, nous allons la remplir avec des facteurs de coagulation, du sang, des plaquettes, de l'albumine...

A 22h, nous avons fait le point à la famille, leur expliquant clairement qu'il y a très peu de chances qu'elle survive à l'intervention mais que c'est ça ou rien. Le chirurgien qui l'avait opéré la première fois est rentré de WE. Les proches vont la voir une dernière fois et on comprend bien qu'ils lui disent au revoir. Nous la débranchons du scope de la salle de réveil pour l'emmener en salle d'opération. Pendant que nous la passons sur la table, les chirurgiens se lavent déjà les mains pour ne pas perdre une minute. Mais lorsque nous rebranchons les appareils de surveillance tout est plat. Elle est partie. Concrètement, elle est morte quelque part entre la salle de réveil et la salle d'opération, vers la salle de césarienne.

En débranchant toutes les perfusions et autre sondes, elle se mettra encore à saigner, signe que plus rien ne coagulait son sang. Nous la nettoyons, la remettons dans son lit et prévenons le service. Évidemment, ce ne sont pas les chirurgiens ni l'anesthésiste qui se chargeront de la redescendre dans sa chambre. Je n'en mène pas large dans l'ascenseur, mais une fois de plus il ne nous fera pas faux bond.

Je rentre seule chez moi, mon ex ayant du prendre un taxi pour la gare et rentrer à Toulon. Il est plus de minuit, je suis épuisée, mais je ne dormirai pas de la nuit. C'était ma première et ma seule pour l'instant.

Entre ces deux messages, mon grand-père nous a quitté. Je suis passée un court instant de l'autre côté. Et j'ai repensé à cette patiente et à sa famille. Je suis heureuse d'avoir pu lui dire au revoir aussi.

samedi 24 avril 2010

La première fois

Certaines infirmières ont plutôt le don d'attirer la grande faucheuse. Quand il y a un patient en phase terminal dans le service et qu'elles arrivent pour la relève, on sait que c'est pour bientôt. Elles connaissent les procédures par cœur, et finalement savent appréhender ses situations calmement et au mieux pour tout le monde. Je ne suis pas de celle-ci. C'est même plutôt l'inverse. En trois ans de stages, j'ai toujours évité les décès.

En troisième année, j'arrive pour 5 semaines de stage en gériatrie, long séjour. Mr Z était mort dans la nuit. Les semaines s'enchaînent et chaque matin je m'arrête quelques secondes sur le pas de la porte de Mr Pèche pour vérifier qu'il respire toujours. Toute l'équipe se demande quand est-ce que cela va arriver, comment fait-il pour tenir. J'ai ma petite idée. Il mourra la nuit suivant mon dernier jour. En réanimation, rebelote, les décès ont lieu les nuits où je ne suis pas là, ou même à la minute où je termine ma relève avant de partir.

Résultat, je commence ma vie professionnelle en ayant aucune idée de à quoi ressemble les derniers instants, le moment où le patient passe de l'autre côté et nous quitte. Concrètement, je ne sais même pas à quoi ressemble un mort. J'avoue que ça m'angoisse un peu (beaucoup) quand même.

Pour en revenir au titre de ce message, il y a des premières fois dont on se souviens le sourire aux lèvres. Héhé je parle professionnellement hein ;). Ma première prise de sang (stage de cardio, 1er année, Mr H), ma première sonde urinaire (stage au bloc, 2ème année, Mr Z), ma première sonde gastrique (stage de chirurgie, 3ème année, le jeune Y), mon premier cathlon -le petit tuyau de plastique qu'on laisse dans la veine pour les perfusions- (stage au bloc, 3ème année), la première fois que j'ai aidée un chirurgien (dents de sagesse, Dr F)... Et puis, il y a une première dont je me serai bien -illusoirement- passé.

Un beau dimanche de Juillet 2009, mon ex (qui ne l'était pas à l'époque) était rentrée pour le WE de Toulon où il était en stage pour 3 semaines, avant de repartir au mois d'août pour la Thaïlande, et l'Indonésie, ceci est une autre histoire. Nous sommes chez mes parents, à la campagne, et après des années d'apprentissage, je sors des crevettes, littéralement parfaites, du barbecue. Petit moment idéal. Sauf que... je suis d'astreinte. J'ai déjà bossé 4 fois depuis vendredi soir, je me dit que maintenant je devrais être tranquille. Il est 12h30 et le téléphone sonne. L'éclair dans le ciel bleu. Évidement, c'est la clinique. Le chirurgien digestif veut que je vienne immédiatement pour une reprise de vésicule biliaire. C'est assez rare, tant pour la reprise que pour l'urgence. Je pars donc, le cœur un peu serré.

A peine arrivée, le téléphone de la salle de réveil sonne. C'est le chirurgien, il me dit qu'on ne va peut être pas reprendre la patiente, elle vient de faire un arrêt -cardiaque- et ils sont en train de la réanimer dans sa chambre. Par acquis de conscience, je prépare quand même le matériel et la salle d'opération en attendant mon collègue Martin. Tous les deux, nous avons la poisse, et je ne suis qu'à moitié surprise de ce qui nous arrive. Il est sorti la veille et n'a pas bonne mine quand je lui explique ce qu'il se passe et l'entraîne vers le service de chirurgie digestive.

Nous arrivons dans la chambre de la patiente, elle est intubée, les médecins se relaient pour le massage cardiaque pendant que le cardiologue essaye d'obtenir un ElectroCardioGramme interprétable. L'anesthésiste m'explique rapidement qu'elle s'est mise à saigner dans la cavité abdominale, d'où la décision de reprise chirurgicale, alors qu'elle devait partir en convalescence le lendemain. Et puis, son cœur s'est emballé en "fibrillation", ce qui a amené la réanimation après perte de conscience. Soudainement, je regarde le visage de la patiente, et je la reconnais immédiatement. J'ai aidé le Dr P il y a une dizaine jour pour l'opérer. Tout ne s'était pas passé comme prévu et nous avions du procéder à une laparotomie (ouverture de la paroi abdominale). J'avais tenu les écarteurs deux bonnes heures. Mais finalement, tout s'était bien terminé, et en tout cas il n'y avait pas eu de problème hémorragique.

Je m'apprête à sortir de la chambre quand l'anesthésiste m'interpelle :
"- Aline, vous voudriez pas regarder pourquoi le bicarbonate ne passe pas?"
Et voilà, nous étions lancé dans la réanimation, les deux pieds dedans.

La suite au prochaine épisode...

mardi 20 avril 2010

Parait que la taille ne compte pas

Nous recevons aujourd'hui Me Lee, 53 ans, pour une hystérectomie voie basse et double périnée. Quelques explications histoire de bien situer le contexte:
  • Notre patiente du jour souffre, a priori d'une descente d'organes, c'est à dire que sa vessie, son col de l'utérus et son rectum descendent plus ou moins dans son vagin (très glam n'est ce pas ?). C'est du à une relâchement des muscles du périnée, à cause entre autre des accouchements, de certains sports et tout bêtement de la gravité.
  • L'intervention consiste à ôter l'utérus et un peu de muqueuse vaginale en avant et en arrière. Cela nous prend deux bonnes heures.
A priori, je la trouve un peu jeune pour souffrir d'une descente d'organes si importante pour qu'elle nécessite tout ça. Mais bon, elle n'a peut-être pas de chance.

Nous l'installons sur la table d'intervention, l'endormons et la plaçons en position gynécologique. Et là, quelque chose me choque, enfin c'est plutôt l'inverse. Rien, je ne trouve rien d'anormal visiblement chez cette dame. Bon, je ne dis rien, y'a des choses qui m'échappent parfois.

Nous commençons et j'instrumente le chirurgien. L'intervention se déroule bien. Puis au moment où il commence la partie où il doit enlever un peu de muqueuse entre la vessie et le vagin, je me lance :
"-Excusez-moi, mais je trouve que sa descente d'organes n'est pas bien flagrante...
-Effectivement, il n'y en a quasiment pas. Mais son mari se trouve trop à l'aise !
-??..??..
-Il a dit qu'il se sentait comme une cuillère dans un bol de lait chaud.
-Euh, le problème ne viendrait-il pas du mari ?
-Ah si, sûrement, mais que voulez-vous, ils ont entendu parler de réduction vaginale, c'était plus simple."

J'ai osé demandé au chirurgien si le Monsieur était de la même origine que la patiente, mais je me garderai bien de faire des généralités.

N'empêche que, opérer une patiente pour contenter son mari, ça ne me plait pas tellement.

C'est pas faute de répéter que la taille ne compte pas, il faut savoir s'en servir.